FCPE13 Pays Salonais

Maison pour ados en perdition

 

Une grande maison pour des ados en perdition

Prévention .

Les adolescents en détresse sont de plus en plus nombreux. À Saint-Denis, Mado Charbonnier a oeuvré à l’ouverture d’une structure pour les jeunes et les parents en difficulté.

Dominique Versini, défenseure des enfants, attirait hier l’attention sur la souffrance des adolescents et les efforts indispensables à fournir pour les prendre en charge

Vendredi prochain, à Saint-Denis (93), sera inauguré Rencontres 93, une structure atypique et innovante, qui, depuis le 17 septembre dernier, accueille des adolescents et des adultes en difficulté.

Mado Charbonnier, ancienne directrice départementale de l’Association vers la vie pour l’éducation des jeunes (AVVEJ), a travaillé dix années sur ce projet.
Cette grande maison sert aussi bien à des jeunes placés à la suite d’une décision de justice, qu’à des adolescents en fugue, ou à des mineurs déscolarisés et réfractaires au système classique.
Les parents peuvent, eux aussi, bénéficier d’un accueil durant la journée.

En janvier, une crèche accueillera, le temps nécessaire, des enfants jusqu’à l’âge de trois ans.


Comment est venue l’idée d’ouvrir à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Rencontres 93, une structure dédiée aux jeunes et aux parents en difficulté ?

Mado Charbonnier : Pendant quinze ans, j’ai travaillé au service d’aide en milieu ouvert rattaché au tribunal pour enfants de Bobigny. J’ai constaté que, trop souvent, les placements traditionnels confinent à l’échec.

L’idée de Rencontres 93 est de provoquer chez des jeunes de treize à dix-sept ans - qui ont déjà connu une multitude de placements - un déclic pour que renaisse un peu de confiance dans le monde des adultes. C’est toute la clé de l’histoire : comment donner envie à des gamins de rester dans un lieu atypique ?

Habituellement, on les envoie dans des endroits où ils trouvent les mêmes profils, les mêmes problématiques que les leurs. Quant à l’organisation, elle est structurée autour des retours en famille le week-end.

Nous allons créer une structure d’accueil pour ces jeunes placés par un juge des enfants ou l’aide sociale à l’enfance, mais également pour des ados en crise qui ont fugué du domicile familial.

Nous aurons un internat de quinze chambres, avec toutefois une souplesse dans les allers-retours en famille qui pourront avoir lieu durant la semaine. Il s’agit de faire intégrer à ces jeunes, ainsi qu’aux travailleurs sociaux, qu’on ne va pas modifier en trois mois un comportement installé depuis deux ou trois ans.
Pour ceux qui refusent le contact avec les adultes, le placement est souvent la mesure la plus terrible. À nous de pallier ce sentiment via notre fonctionnement qui s’articule autour d’un atelier scolaire pour ceux qui ne vont pas à l’école à l’extérieur, mais également autour d’activités telles que le théâtre, le sport, les soins esthétiques, etc.

Ce projet, sur lequel nous travaillons depuis 1998, est financé par le conseil général de Seine-Saint-Denis, la Protection judiciaire de la jeunesse, la CAF, la région et la protection maternelle et infantile.

Quid de l’ouverture du centre aux parents ?

Mado Charbonnier : Nous sommes axés sur la protection de l’enfant, conséquence, on oublie trop souvent de parler de l’adulte pour lui et par lui-même.
Je m’explique : notre travail est de soulever ce qui ne va pas dans la relation avec l’enfant. Les parents que nous accueillons ne seront pas forcément ceux des adolescents placés. Nous avons d’un côté le savoir-faire des travailleurs sociaux, et de l’autre celui des parents.

Certes, il existe déjà des ateliers de soutien aux parents dans les quartiers, mais ils sont toujours séparés des structures pour les jeunes. Chez nous, il y a un brassage de tout le monde : l’idée c’est d’être dedans et dehors en permanence. Les adultes viennent sur la base du volontariat. La demande existe et elle est forte, nous croisons des gens, rongés - comme les plus jeunes - par la honte et la culpabilité, qui recherchent de l’aide. Nous proposons certains ateliers en commun, ainsi qu’un travail de parole animé par un psychologue. Nous ne voulons pas avoir un fonctionnement académique.

Pourquoi avoir inclus dans ce projet la création d’une crèche qui ouvrira en janvier prochain ?

Mado Charbonnier : Il faut mettre en place l’intergénérationnel, le contact et le réveil d’un sentiment spontané de protection des grands envers les plus petits. La crèche, de quinze places, sera un lieu où la régression pourra se faire sans honte pour des gamins en rupture. Des liens pourront se tisser de nouveau.
D’un autre côté, les mères isolées en détresse pourront confier leurs nourrissons - jusqu’à l’âge de trois ans - et les reprendre dès qu’elles le désireront.

Notre permanence sera ouverte 24 heures sur 24.

Et puis nous pourrons proposer à ces mamans de rejoindre les groupes de travail dédiés aux parents.

Entretien réalisé par Sophie Bouniot
L’Humanité du 21/11/2007